[Chronique d'André Montaud]
Une si belle aventure !

Après plus de 20 ans à la tête de cette superbe association, je tourne en effet la page d’une vie consacrée à l’innovation. Je ne suis pas un adepte des grands bla bla, sauf s’ils sont car ou bus, mais je me suis demandé ce que je pouvais vous laisser. Les souvenirs sont des choses trop intimes pour être partagés. Il y en a pourtant un qui dépasse toutes les autres, peut-être parce qu’il résume à lui tout seul, bon nombre de mes passions pour la montagne, la musique classique, l’astronomie et l’innovation.

Ce soir-là de 2015, au refuge du Montenvers, nous étions assis sur les rochers avec notre communauté d’innovateurs, venus d’un peu partout en France pour assister à Innovalps. La journée avait été dense en échanges et conférences. L’air était calme et pur, annonçant déjà un bel été. Nous retrouvions la sérénité, au pied des hauts sommets. Les musiciens de l’orchestre des pays de Savoie, redescendus de leur concert en haut du Mont-Blanc, se sont alors mis à jouer dans un silence dont seule la montagne connait le secret. Et dans cette communion aux notes mozartiennes, la pleine lune se leva au-dessus du jardin de Talèfre. Moment unique d’une émotion absolue qui m’a marqué à jamais.

J’aurais pu vous parler de ces rencontres que nous organisons : le si génial nobélisé Pierre Gilles de Gennes, admirable vulgarisateur, quelques mois avant sa mort, Jean Louis Etienne de retour des pôles, Bertrand Piccard, avant qu’il ne connaisse la célébrité de Solar Impulse, ou le Groupe Militaire de Haute Montagne avec leur traversée surhumaine de la Cordillère de Darwin… et tant d’autres. Ils ont enrichi ma vision de la vie.

J’aurais pu vous parler de la construction de la maison de la mécatronique, aboutissement d’un long trajet d’adoption de cette technologie par les entreprises du territoire, de nos bagarres pour que les pôles de compétitivité soient autres choses que de simples usines à recherche, de notre certitude absolue du besoin de revisiter la performance globale des entreprises bien avant que « l’homme au cœur » ne devienne à la mode de l’industrie 4.0

Mais cela, n’est rien d’autre qu’une histoire de rétroviseur, de celle que l’on retrouve en bas des belles publicités en quadrichromie de produits financiers : « la performance passée ne préjuge en rien des performances futures ».

Non, si j’ai quelque chose à vous laisser, c’est vous dire en quoi je crois fondamentalement.

• Aimez intensément votre équipe: réussir, c’est parcourir des chemins de crêtes souvent dangereux. Soyez le premier, l’équipe vous suivra. Si vous tombez, elle vous relèvera. Se cacher derrière des process pour se dire que c’est impossible relève, au mieux de la tricherie, au pire de la poltronnerie. Nous sommes là pour prendre des risques, pas pour parcourir des sentiers déjà balisés. Mieux encore, confiez régulièrement votre rôle de premier de cordée : je l’ai appris avec plaisir, l’âge et l’expérience venants… et regrettant amèrement de ne pas l’avoir appliqué plus tôt.
• Soyez gourmand de la vie: Méfiez-vous du ronron quotidien comme de la peste. Il tue la curiosité. L’opportunité est sauvage et se trouve là où on de l’attend pas. Sortez de votre bulle castratrice de confort. Croisez les idées, les personnes, les stratégies, les arts, les bons vins. Gardez intact votre capacité d’émerveillement. Faites, des improbables rencontres, un choix de vie.
• Jardinez votre réseau: Il est magique… mais ne se résume pas à un carnet d’adresses bien dodu. Créez-le à votre image, en donnant avant de recevoir. Assurez d’abord la mise en relation afin de permettre à l’autre de réussir, pour qu’à son tour, il vous offre l’opportunité d’agir.
• Ayez toujours en tête le coup d’après : Je vous l’avoue, c’est fatiguant voire usant, mais c’est vous offrir cette capacité à donner du rêve à votre équipe, en lui permettant de créer, juste à temps, le service ou le produit dont les autres se nourriront.
• Soyez désobéissant, non par esprit de contradiction, mais parce qu’il y a probablement d’autres voies plus intéressants derrière les sens interdits. Remettez de l’esprit startup dans toutes vos actions et apprenez de leur frugalité agile.

J’allais clôturer ici, cette très longue liste de chroniques innovation, commencée en 2000, quand je suis tombé sur cette fort belle phrase de Mike Horn : « Pour se mettre en marche, il suffit d’avoir 5% de réponses à ses questions. Les 95% restants viendront le long du chemin. Ceux qui en veulent 100% avant de partir resteront sur place »

Je vous le disais : « Une si belle aventure ! » …et elle ne fait que commencer.

André Montaud

Andre.montaud@gmail.com