[Chronique Innovation]
Potato blues

janvier 24, 2020

La nuit de la Saint Sylvestre est, pour certains, l’heure du grand voyage : ils se lancent dans une quête initiatique au cœur des déserts du Nevada. Il y a ceux qui vont au CES, les élus de la technologie, …et les autres. Une aura mystérieuse brille sur cette étrange secte de l’innovation numérique.

Pendant 4 jours on peut en prendre plein les yeux entre des exosquelettes qui arrivent enfin en version opérationnelle, des taxis volants dont seuls quelques gogos crédules pensent qu’ils seront dans notre ciel dans 4 ans, des robots qui veulent nous livrer du PQ aux toilettes ou Alexa qui se décide à squatter la voiture.

Ça, c’est le show clinquant du côté pile. Le côté face n’est pas toujours aussi reluisant. Dans ce gigantesque bazar digital, le grand n’importe quoi côtoie toujours des tendances de fond qu’il faut savoir renifler, bien loin du cirque médiatique.

Prenez l’automobile, l’ingénieur pernicieux que je suis, rigole. Les voitures autonomes qui devaient débouler en grand nombre dans nos rues dès 2020 ne sont toujours pas là. Les constructeurs, bien plus sagement, se focalisent sur les véhicules connectés, bardés d’écrans. Le « sans chauffeur » s’affiche prudemment mais dans des droïdes de livraison pour entrepôt ou dans la logistique dernier km au cœur de ville avec des acteurs comme Valeo, Omron ou Twinswheel. La vraie surprise est venue de Sony avec un bien beau « concept car » électrique. Une diversification pas si surprenante et technologiquement accessible pour les entreprises d’électronique grand public.

Tout aussi intéressante est la vague de la Smart Home que Somfy surfe à toute vitesse. « Non, Monsieur, vous n’abandonnerez plus votre maison à son triste sort dès la porte fermée. Elle est là, bien au chaud dans votre smartphone. Vous serez le roi des volets, vos serrures feront clic-clac à distance pendant que des détecteurs de qualité de l’air vous prépareront une atmosphère campagnarde pour votre retour » !

A l’inverse, les petits robots peinent toujours à s’imposer dans la maison, promettant pourtant d’éduquer nos enfants ou d’allumer la cafetière. Ils sont tellement occupés par ces tâches ménagères qu’ils en oublient de vérifier que le besoin du client est là et se ramassent quasi systématiquement quelques mois plus tard. Samsung tente pourtant l’aventure avec une sorte de majordome à la bonne bouille de BB-2 Star War-dienne. Pas sûr que cette petite boule jaune survive bien longtemps au dur environnement familial entre coup de pied des bambins et gueule saliveuse du toutou intrigué. D’autres veulent transformer le robot aspirateur en drone afin de lui permettre de franchir la barrière effroyable des escaliers… A quand une tour de contrôle pour réguler le flux incessant de ces nouveaux joujoux technologiques ? Et la Medtech en rajoute !  On balance entre le très utile et le très loufoque comme cette brosse à dents connectée qui valide notre hygiène bucco-dentaire en distribuant des bons points. Ou cet oreiller bardé de capteurs qui fait tourner la tête du dormeur ronfleur pour le faire taire. Un petit luxe à 400$ pour la paix des ménages.

Innover, toujours innover. Mais pourquoi ? Les grands de la télévision ne savent plus à quel saint se vouer. Après l’OLED , le 80 pouces, la 8K, le DOLBY plus ou moins ATMOS, ils veulent maintenant faire pivoter l’écran. « Oui mais, la jeune génération regarde de plus en plus les séries sur smartphone ».

Bon, ces smartphones dopés à l’intelligence artificielle, parlons-en. Personne ou presque ne veut s’attaquer à la consommation de l’écran toujours plus grand. Moralité : les batteries prennent de l’embonpoint. Seul le chinois Hisense tente l’aventure de l’autonomie de nos bons vieux Nokia 3310 en proposant la technologie e-Ink des liseuses. Ce n’est pas encore génial en terme de rendu mais c’est toujours mieux pour la planète. Car l’économie d’énergie reste toujours la grande absente du CES. Certes, Intel s’est fait un peu tacler pour son nouveau microprocesseur à 10 cœurs qui consomme autant que 3 de nos antiques ampoules à incandescence. Certes, quelques voix ont osé rappeler, au milieu des « amazing », que la 5G n’était pas du meilleur goût écologique. Mais ici, on s’en fout un peu, à l’image de cette conférence qui voulait prouver que les technologies rendent les pays plus résistants aux catastrophes liées au changement climatique. « Heu, faudrait pas mieux s’attaquer aux causes ? ».

Voilà, c’était mon CES zéro CO2 car, grâce au digital, j’ai suivi le salon de 17h à minuit depuis la France avec mes 3 écrans en parallèle, des conférences en streaming et de multiples flux de réseaux sociaux. Bon, l’amour-propre et le prestige en ont pris un petit coup, mais coté développement durable, ya pas mieux ! Même le jetlag virtuel était au rendez-vous : réveil à 5h du mat’ à mon retour !

Quant à la très couteuse blague de la pseudo patate connectée d’Aix-les-Bains, elle n’aura vécu que l’instant de quelques jours. Depuis, la pomme de terre déprime après avoir découvert qu’elle n’avait en rien piégé l’organisateur du CES, trop content de récupérer quelques milliers de dollars pour des mètres carrés de stand. POTATO BLUES !

André Montaud

am@thesame-innovation.com

 

Crédit Photo CES 2020

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