[Chronique Innovation]
Rendez-vous de 8 à 10

juin 25, 2019

Bon, je ne vais pas vous rejouer le film, mais il y a des anniversaires « ronds » qui marquent une vie.  Le 20 du vrai passage dans l’âge adulte, le 30 du « ça y est, je suis parent », le 40 de la force de l’âge, le 50 de la sagesse (quoi que !!!), etc. !

Cette année, on n’y coupe pas avec les 75 ans du débarquement en Normandie ou le 500 de Léonard de Vinci. Parmi ceux-là, le premier pas de l’homme sur la Lune affiche 50 au compteur, un truc dont seuls peuvent se souvenir, ceux aux tempes grisonnantes. Parler de cela aux jeunes générations, c’est évoquer un machin de vieux qui a dû exister, euh, avant Star Wars ?

Et pourtant, cette date du 21 juillet 1969 restera dans l’imaginaire collectif comme le mythe absolu du voyage vers les étoiles. Et comme tout mythe, il y a du vrai, de l’imaginaire et de la réécriture d’histoire. Tenez, par exemple, Kennedy. Il est souvent considéré comme le père de l’exploit (même si Apollo a été conçu un an avant son entrée en fonction et que la NASA prévoyait un alunissage après 1970). Dans son discours célèbre de septembre 62, il était en quasi-extatique : « Nous embarquons pour explorer ce nouvel océan car il y a de nouvelles connaissances à acquérir et de nouveaux droits à conquérir qui doivent être utilisés pour le progrès de tous les peuples ».

Ça, c’est le côté pile. Le côté face est un peu moins reluisant, du genre guerre froide. Après le premier vol de Yuri Gagarine, Kennedy indiqua qu’il voulait que les États-Unis soient les premiers à quelque chose dans l’espace, et peu importe ce que c’était.

L’histoire secrète laisse à penser que les USA auraient d’abord approché les Soviétiques pour des vols en coopération mais, comme ils ne répondaient pas, Kennedy aurait demandé à la NASA d’atterrir sur la Lune avant la fin de 1966. Bon, là, les ingénieurs ont dû faire un bon de 18 mètres, et tout le monde est tombé d’accord sur le terme « fin de décennie » plus réaliste. Ce fut un coup de booster gigantesque pour pousser la technologie à ses limites. Dans notre période actuelle de disette des finances publiques, on a du mal à imaginer qu’une nation puisse cramer 10% de son budget annuel pour quelque chose d’improbable : un très long sprint afin d’être le premier à laisser son empreinte sur notre sélène voisine sans se soucier de la suite. C’est ce qui s’est pourtant passé avec Apollo : un intense flamboiement de 4 ans et de 9 missions lunaires mais qui est resté sans suite, au moins jusqu’à aujourd’hui. Le mandat de Kennedy rempli, les vols vers la lune se sont éteints, comme une parenthèse imprudemment ouverte un peu trop tôt sur le futur.

Il n’en demeure pas moins que cette fin des années 60 révéla tout le génie de l’Homme aussi bien dans la mise au point de technologies innovantes que de gestion de gigantesques projets et d’improvisations plus ou moins maitrisées. Loin de la fusée de Tintin, le mode opératoire des vols Apollo avec l’envoi d’un module de commande avec trois astronautes en orbite lunaire et l’atterrissage de deux d’entre eux dans le LEM, fut un coup de maitre. Le LEM en particulier était l’exemple même de la technologie frugale et minimaliste pour faire le job. A côté de lui, un jardin zen aurait fait l’effet de débauche exubérante.

Alors oui, même si mon cœur bat toujours autant la chamade à l’écoute de « Eagle has landed », j’avoue avoir un faible pour les missions 8 à 10.  Apollo 8, initialement prévu pour tester le LEM en orbite terrestre, est parti autour de la lune parce que le LEM n’était pas prêt … et que les services secrets pensaient que les Soviétiques allaient lancer leur fusée géante. Cela nous valut, un réveillon de Noel lunaire et la photo emblématique d’un lever de terre au-dessus de l’horizon gris de cratères, réalisée à l’arrache car absolument imprévue dans la « check list » de mission. En mars, Apollo 9 remplit le taf initialement prévue en décembre. Et Apollo 10, répéta autour de la Lune en mai, ce qui serait l’exploit de Armstrong et Aldrin, 2 mois plus tard. Une légende urbaine raconte même que les ingénieurs de la NASA avaient limité le carburant du LEM pour que l’équipage n’ait pas la tentation de se poser avant l’heure.

Non, vraiment, ce rendez-vous de 8 à 10 fut aussi existant que celui de 11 et montra que les astronautes des temps historiques étaient de véritables surhommes, mi génies, mi têtes brulées… avec au fond d’eux une vraie âme de poète. Autre temps !

 

André Montaud

am@thesame-innovation.com

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