8 questions à … Maurice Pillet

avril 23, 2018

A l’occasion des 30 ans de PROGECTION, Maurice Pillet a accepté de se prêter au challenge de la chronique 2 3 questions. 8 questions autour de la performance globale de l’entreprise… et un peu plus !

PROGECTION C’est quoi, pour qui et comment on fait pour durer 30 ans ?

En 1988, ProGection s’est donné comme mission de réunir les acteurs intéressés par ce que l’on appelait à l’époque la Gestion de Production et que l’on définit mieux aujourd’hui par l’excellence opérationnelle. Notre objectif : faire de la veille méthodologique sur tout ce qui permet aux entreprises d’être plus performantes, créer un réseau local des experts du domaine. Nous nous adressons à tous les professionnels soucieux de connaitre les courants de pensées les plus récents.

C’est très rare qu’une telle association puisse tenir 30 ans avec toujours autant de succès sans aucune subvention publique. Le secret : L’enthousiasme de son comité de direction qui mélange des universitaires de l’Université Savoie Mont Blanc (IUT/QLIO), des industriels et des instances associatives comme la Chambre syndicale de la métallurgie, Thésame.

Comme une entreprise, une association c’est une histoire humaine et durant 3 décennies nous avons pris du plaisir à dénicher des conférenciers pour explorer les voies du futur de l’excellence opérationnelle.

La performance globale de l’entreprise a beaucoup évolué en 30 ans. Comme observateur et acteur de cette mutation quelles sont les grandes étapes qui vous ont vraiment marqué ? Et en miroir, vers où allons-nous dans les 30 prochaines années.

Très clairement au départ nous avons été secoués par les performances des entreprises Japonaises que nous avons cherché à copier (plus ou moins bien) avec le Juste à Temps, les cercles de qualité. Depuis nous avons des mouvements de balancier entre des progrès de gestion industrielle et des progrès de qualité. L’ISO 9000 est née à peu près à la même date que ProGection. Ses grandes évolutions traduisent les évolutions de la qualité. D’abord les standards avec la version 1987, puis une approche plus globale grâce aux processus (2001), puis l’intégration d’une dynamique de progrès structurée. D’autres approches qualité ont marqué leur époque, citons les approches de Taguchi, que peu de gens ont vraiment compris, Six Sigma, Design for Six Sigma. Au niveau de la gestion industrielle, le Lean a remplacé le Juste à temps avec une approche plus structurée, mais les progrès sont aussi le fait des évolutions des approches autour du système d’information :  ERP, MES, DDMRP…

Demain je pense que les révolutions viendront du système d’information. Très clairement d’énormes sources de progrès sont à découvrir. Les nouvelles technologies « machine learning » et de communication vont révolutionner l’entreprise. Nous ne devons pas chercher à automatiser nos pratiques actuelles, mais revisiter ces pratiques au regard de ces nouvelles technologies.

La qualité qu’il faut cultiver pour faire progresser la performance globale ?

La curiosité, l’ouverture d’esprit et la modestie au regard de ce que nous faisons. Il faut sans cesse regarder dans les différents domaines, les nouvelles pratiques. Il faut également être suffisamment ouvert d’esprit pour identifier la manière de l’appliquer sur nos processus actuels pour les faire progresser.

Et le défaut rédhibitoire qu’il faut absolument corriger ?

Penser que l’on sait.

Le livre qui vous a le plus marqué dans ce domaine ?

Curieusement ce n’est pas un ouvrage technique mais le livre de Daniel Kahneman « Thinking, Fast and Slow » qui résume l’ensemble de ses recherches sur les biais cognitifs. Sa thèse principale est que nous avons deux modes de fonctionnement du cerveau : l’un rapide, celui que nous mettons en œuvre pour faire 2×3, le second « lent » mis en œuvre dans le calcul de 57×24. J’ai compris beaucoup des difficultés des entreprises en lisant ce livre. Nous sommes tous avec un raisonnement biaisé par le premier mode de pensée et cela nous empêche de faire de vrais progrès, d’utiliser de façon efficiente tous les outils méthodologiques et mathématiques à notre disposition.

Si vous aviez un Nobel de la performance à attribuer, quelle personnalité choisiriez-vous ?

Kahneman … mais il l’a déjà eu 🙂

Sinon il aurait fallu récompenser les personnalités qui ont déclenché ce vaste mouvement et principalement Taiichi Ohno. Mais comme il n’est plus là depuis pas mal d’années déjà je penserais aux personnalités qui ont le plus influencé la vision moderne de la performance, en particulier Jones, Womack et Roos avec leur livre « Le système qui va changer le monde » en 1993, ou Liker avec « The ToyotaWay »

Et si c’était une entreprise ?

Ce serait une entreprise qui réinventerait l’entreprise. On note le besoin de cette réinvention avec les mouvements forts comme l’entreprise bienveillante, l’entreprise libérée. Mais nous n’avons pas encore inventé le nouveau statut social de l’entreprise de demain. Une entreprise est d’abord une aventure humaine et il est nécessaire que chaque collaborateur soit intégré à cette aventure tant du point de vue de son développement que des résultats. La structure des sociétés cotées en bourse et pilotées pour une seule rentabilité à court terme est donc passéiste de mon point de vue. Je vois beaucoup d’entreprises, j’ai l’impression que les entreprises non cotés et/ou familiales rendent les gens plus heureux. Il faudra donc réinventer l’actionnariat avec une nouvelle structure d’entreprise où l’augmentation de la valeur d’une action ne revienne pas au seul actionnaire mais soit partagée entre l’entreprise, les collaborateurs et l’actionnaire. Alors s’il fallait donner un prix Nobel, pourquoi pas à une belle entreprise locale comme Botanic qui défriche ce type de raisonnement. Nous aurons le grand privilège d’accueillir Valérie Cotro DRH de l’entreprise lors de la soirée des 30 ans le 5 Juin.

De quoi rêvez-vous pour demain (et pas seulement la nuit) ?

Ce qui me passionne en ce moment, c’est l’ensemble des techniques de machine learning souvent présentées sous la dénomination intelligence artificielle. Ce qui est formidable c’est que tout peut être revisité au regard de ces nouvelles techniques. Si on prend la traduction automatique, après avoir tenté de mettre en boite des règles de traduction, le deep learnig a balayé tout cela en modélisant les mots sous forme de vecteurs avec des résultats sidérants. Demain tout va changer, aucun métier ne sera épargné et nous devrons inventer les outils pour mettre à disposition de chacun ces méthodes d’une incroyable efficacité. C’est notamment le cas des outils statistiques très performants mais dont la puissance peut être démultipliée de façon exponentielle avec les méthodes d’apprentissage supervisé et non supervisé. Le vieux SPC qui a rendu de fiers services se retrouve au rang des dinosaures avec l’apparition de l’APC qui mixte le machine learning et les statistiques. Cette réflexion nous a d’ailleurs permis d’intégrer pas mal de ces méthodes dans les logiciels Ellistat et Ellisetting et cela ne fait que commencer !

A propos de Maurice Pillet

Maurice Pillet

Professeur USMB / VP Tetras / Co-fondateur Ellistat

Professeur des Universités à l’Université Savoie Mont Blanc, Vice-Président de Tetras, Co-fondateur de l’entreprise Ellistat, Secrétaire et animateur de l’association ProGection.
Il est directeur de recherche au laboratoire SYMME (Université de Savoie) sur les domaines de la qualité des produits et des processus. Il collabore avec de nombreuses entreprises de France et de Suisse, ce qui permet le transfert rapide de résultats de recherche comme le tolérancement inertiel, le pilotage inertiel dont il est l’inventeur.

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